Histoires, au pluriel. Car la gandoura, cet habit, paradoxalement moins connu dans la vaste panoplie des vêtements maghrébins, anciens ou modernes, a une Histoire comme tout vêtement traditionnel et des histoires propres à la gandoura. Des histoires, des anecdotes (vraies ou inventées) et surtout plusieurs appellations à tel point que même les spécialistes se mélangent parfois les fils ou les mailles !
La robe en velours brodée que portent les femmes de Annaba (ancienne Bône ou Hippone), comme celle de Constantine a probablement une origine punique. En effet, cette robe de fête en velours rouge ou noire a une parure brodée au niveau de la poitrine et qui peut pour certains styles, descendre plus bas. Ce style, qui a été transmis par la mode carthaginoise, demeure la plus fastueuse car la capitale punique possède des ateliers de tissages, de teinture, de broderie et d’orfèvrerie d’exception à l’échelle de la Méditerranée occidentale.
Malgré le développement d’un artisanat local de produits de luxe, les aristocrates de Cirta, l’antique Constantine numide, se fournissent régulièrement en étoffes, teintées suivant des procédés inventés par les Phéniciens, qui proviennent de Carthage.
Jusqu’à la destruction de cette dernière en 146 avant J-C, date qui marque le début de l’expansion romaine en Afrique du Nord, les importations abondantes de textiles puniques et dans une moindre mesure d’objets de parure variés, ainsi que les alliances entre les familles nobles de Cirta et de Carthage, favorisent les analogies entre les traditions vestimentaires des populations des deux villes
Alors qu’une certaine fascination s’est emparée de la mode en Méditerranée orientale comme à Rome, les aristocrates de Cirta et de Hippone ont, eux, continué à se distinguer par l’élégance et la sobriété de leurs toilettes, sans tomber dans les excès qui passionnent leurs contemporaines romaines.
La gandoura : origine de l’appellation
Comme pour beaucoup de vêtements anciens, la gandoura, selon les temps et les régions peut se retrouver sous d’autres appellations. Parfois, il suffit que dans une région, on y introduise un simple détail et voilà notre gandoura affublée d’un autre nom totalement différent !
La robe dépourvue de manches est souvent appelée djebba et/ou gandoura. Son appellation changera au cours du temps pour devenir Jebbat Fergani (Djoubba de Fergani), vers le début du XXème siècle, faisant référence à un couturier, Fergani, qui s’est consacré à la modernisation de cette tenue.
Cette tenue mythique, traditionnellement de couleur bordeaux fait partie intégrante, en fait de la culture algérienne, quand bien même a-t-elle subit quelques transformations en ce qui concerne la diversité des couleurs et les formes de la broderie. Aujourd’hui, en effet, la nouvelle mariée peut choisir entre les couleurs vert fondé, bleu nuit ou mauve.
Histoire de la Gandoura de Constantine
La conception de la djebba/gandoura constantinoise date donc du III ème millénaire avant J-C. Constantine ou donc Cirta à l’époque, capitale de la Numidie, multipliait alors les échanges commerciaux avec les autres grandes villes du bassin méditerranéen. C’est ça qui a favorisé le commerce des textiles et lui fît connaître un grand essor.
Depuis, la djebba constantinoise n’a fini de se développer avant de prendre sa forme actuelle que lorsque arrivent les Andalous (chassés d’Espagne) et reste depuis une longue robe de velours sans col. La djebba est travaillées au medjboud (broderie dorée très fine en arabesques) suivant les techniques de la fetla, soit une robe sans manches, à laquelle les femmes ajoutent un voile brodé ou doré et une ceinture de louis de valeur différente.
L’UNESCO a officiellement déclaré la katifa (encore une autre appellation de la gandoura) comme étant une robe traditionnelle algérienne datant de plus de 1000 ans. Elle est en effet l’une des plus anciennes du patrimoine algérien.
Gandoura constantinoise : la référence
La djebba ou gandoura constantinoise est une robe traditionnelle algérienne faite en velours épais généralement de couleur rouge bordeaux originaire de la région de Constantine.
Le savoir-faire ancestral transmis de mère en fille depuis des temps immémoriaux a permis de conférer toute son authenticité à cette toilette apprêtée d’arabesques flamboyantes, communément appelée Gandoura Ksentinia, voire Gandouret el Fergani en hommage à la famille Fergani, précurseurs de la haute couture à Constantine, et qui est devenue indispensable dans les trousseaux des jeunes mariés dans « la ville des ponts ».
La gandoura constantinoise, très populaire au-delà des frontières, est une longue robe sans col et à manches amovibles. Elle tire ses racines du métissage culturel qu’a connu la ville du Vieux Rocher depuis des siècles.
La Gandoura traditionnelle de Constantine, dont la confection peut prendre une année entière, est caractérisée par sa réalisation en trois parties distinctes que l’on appelle kh’ratate. C’est uniquement par ce moyen que l’on peut garder la forme évasée de cet habit de fête.
Le prix diffère d’une robe à l’autre, selon la décoration. Le coût d’une robe réalisée selon la technique du medjboud varie entre 400 et 1100 USD, quelques fois davantage. Certainement plus lorsque l’on sait que les constantinoises se doivent de porter avec cette robe une M’hazma (ceinture) constituée de louis d’or de différentes valeurs.
Résumons-nous : la Gandoura porte plusieurs noms. On l’a vu, certains l’appellent Djebba ou robba Fergani. Certains pensent qu’elle provient de l’ancien empire perse. Donc un savant mélange entre le savoir-faire persan et la confection typiquement algérienne, via la circulation des biens grâce aux ottomans.
Devenue célèbre au-delà des frontières algériennes, le sommet du travail parfait réside dans les robes dont la magie des richesses des étoffes et dans la fine broderie en or qui couvre presque l’ensemble de la robe avec une inspiration savante empruntée à la faune et à la flore.
La Djebba Annabiya : une rivale ?
La Djebba annabienne ou gandoura annabienne est une robe traditionnelle algérienne antique faite en velours épais généralement de couleur rouge originaire de la région de Annaba. Elle est également appelée gandourat el Fetla ou gandourat zlabiya en référence à sa broderie typique de la ville.
La gandoura annabiya ressemble fortement à la djebba Fergani constatinoise puisque celle-ci a inspirée la famille Fergani dans sa modernisation au XIX ème siècle. Toutefois , elle peut être confectionnée soit en satin blanc (portée avec Dlala sous le caftan ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Dlala ), soit en velours rouge contrairement à sa jumelle constantinoise.
Elle est souvent composée de deux éléments : une robe et une veste toutes deux brodées de fils d’or ; ce qui les distingue, ce sont les motifs brodés ; sur la constantinoise la broderie du medjboud rappelle la nature, sur la bônoise, broderie typique de la ville, appelée Fetla annabienne qui reprend des formes ressemblant à des ornements architecturaux.
Le buste est aussi en forme de trapèze et les manches jouent également la transparence. Elle se porte avec une meskia, skhab, une ceinture dorée, des bracelets. Elle peut également être accompagnée d’une chéchia comme pour la chedda ou d’une couronne, taj el Fetla, comme pour la djebba constantinoise.
Dans la leffa Annabienne, portée avec la gandoura au troisième jour de mariage, on retrouvela chéchia (calotte conique recouverte de louis d’or qui pend sur un côté), mharmet leftoul, jbin, (bijou frontal des Aurès), chouchnat (boucles d’oreilles algériennes accrochées au jbin) , khit errouh,) medbeh (collier aux louis d’or algériens), skhab, (sautoir à la pâte parfumée originaire des Aurès, mkayess (bracelets algériens).
Qu’en est-il de la Gandoura pour hommes ?
Si les tenues traditionnelles font partie intégrante d’un pays, rares sont les cultures qui ont su les allier avec la modernité. En Europe, notamment en France, elles ont quasiment disparu. Fort heureusement, ce n’est pas le cas du Maroc et du Maghreb en général où le peuple et même la diaspora sont restés attachés à la tradition. Pour les fêtes, pour se rendre à la mosquée, mais aussi simplement pour rester à la maison, des nombreux jeunes arborent gandouras, djellabas ou encore des chéchias.
Aux origines de la Gandoura pour hommes
La gandoura a franchi presque toutes les frontières. C’est une tenue traditionnelle portée aussi bien au Maghreb qu’au Moyen-Orient. Elle est composée d’une seule pièce : une tunique longue, large, avec ou sans manches. Son nom vient du berbère thaqandourth. On lui prête aussi une origine linguistique mêlée à l’espagnol.
La gandoura est le vêtement adapté à la vie de tous les jours, que ce soit pour rester à la maison, ou pour sortir. Lors des saisons fraîches, on enfilera simplement une djellaba par -dessus. Comme elle arrive aux chevilles, la gandoura se porte communément seule, mais elle peut être accompagnée d’un sarouel, en fonction du confort de chacun.
Gandouras pour hommes : modèles courants
Au milieu de toute la fast fashion et des collections grandes enseignes qui s’enchaînent, l’artisanat, notamment au Maroc se développe sans jamais se trahir. L’objectif est d’arborer des lignes et des couleurs actuelles sans jamais perdre l’essence même de la gandoura : respect de la pudeur et des traditions. On retrouve ainsi les broderies qui valorisent le savoir-faire des artisans.
Choisir la gandoura pour le confort et pour faire perdurer les traditions
Et parmi les traditions, voire les obligations religieuses, il y le « satr al ‘awra ». En effet, dans l’Islam, et à l’instar des femmes, l’homme également doit couvrir certaines parties de son corps : la ‘awra de l’homme se situe du nombril jusqu’aux genoux. Cependant le fait de porter une tunique plus longue est plus décent et respecte davantage les codes sociaux.
La gandoura a également été conçue pour être très commode. Couvrant l’ensemble du corps, elle doit être suffisamment large pour permettre de se mouvoir aisément. La gandoura étant portée à même la peau, les tissus choisis doivent être agréables au toucher. Parfois satinés, ou plutôt très légers, le textile sera dans tous les cas synonyme de confort.
Comment choisir une bonne gandoura ? Si l’on devait retenir quelques critères, on, pourrait citer :
- L’opacité du tissu
- La longueur de la tunique
- La légèreté du textile
- Des finitions de qualité
- Une coupe suffisamment large
Anecdotes et histoires de Gandouras
La marque de la styliste américaine Tory Burch a dévoilé des gandouras pour femmes qui allient élégance, authenticité et modernité, soit un « esprit classique avec une sensibilité moderne », conforme aux standards de la marque. Mais alors que généralement ces gandouras sont vendues à des prix accessibles au Maroc, par exemple, dans des quissarias et des boutiques du royaume, leur prix est multiplié par dix, voire plus, lorsqu’elles sont produites par des maisons de marques.
Insolite : les gandouras de la quissaria au Maroc à 400 dollars chez Harvey Nichols !
Avec plus de 18 ans d’expérience dans la confection des trousseaux des mariées et les différentes gandouras traditionnelles, Amina Abderrezak, couturière à Mila (Nord- Est de l’Algérie), affirme qu’en plus de la traditionnelle gandoura en velours brodé de fils d’or, le « Karakou » et le Caftan, la robe kabyle est devenue, ces derniers temps un vêtement « indispensable » dans le trousseau de la mariée.
Conviée au mariage de la fille de Mark Lasry, un milliardaire d’origine marocaine et ancien supporter de sa campagne électorale, Hillary Clinton est sortie du lot en optan judicieusement pour une gandoura bleue ciel. Un grand classique chic, et facile à porter, qui lui a valu la couronne de « l’invitée la mieux habillée » dans un mariage New Yorkais.
Isabelle Héberhart, dans une correspondance avec un ami tunisien, elle écrivit :
»Maintenant je ne me crois pas nullement, obligée pour être musulmane, de revêtir une gandoura, et une Mleya et de rester cloîtrée. Ces mesures ont été imposées aux musulmans pour les sauvegarder des chutes possibles et les conserver dans la pureté. Ainsi, il suffit de pratiquer cette pureté et l’action n’en sera que plus méritoire, parce que libre et non imposée ».
Fait sans doute encore plus méconnu : l’habit traditionnel arabe, a eu droit de cité au Parlement à travers Philippe Grenier, fils d’un capitaine de cavalerie de Napoléon III ayant servi dans les chasseurs d’Afrique à Mostaghanem. Admirateur de la culture musulmane de l’Empire colonial français, il étudie le Coran, se converti à l’Islam, et après un pèlerinage à la Mecque, adopte définitivement la Gandoura traditionnelle des berbères. Mais c’était sans compter son élection comme conseiller municipal puis député du Doubs en 1896.
Le « député des musulmans de France » fait sensation tel un Huron au Palais Bourbon ! Drapé dans son burnous, coiffé de son turban, cap au vent et bottes marocaines en cuir rouge ornées d’arabesques d’or, son arrivée au Palais Bourbon est un évènement pour la foule des curieux. On se presse pour voir le bédouin monter les escaliers de la chambre après ses ablutions rituelles dans la Seine.
Quelques Gandouras parmi les plus recherchées
Le Binouar Staïfi
C’est la robe sétifienne par excellence. Se rapprochant de la Blouza, elle est caractérisées- par ses motifs floraux qui lui confère son nom « Binouar » (Avec des fleurs). Il s’agit d’une robe sans manches, au col assez échancré, perlée au buste. La doublure est en soie et la bas de la robe met en avant une dentelle fleurie. Le tissu le plus prisé est le Charb Ezdaf, d’une manufacture exceptionnelle. Elle se porte avec une ceinture dorée, posée sur les hanches, une meskia, des boucles d’oreilles pendantes et un certain nombre de bracelets.
La Gandoura Chamsa
Originaire de Jijel, la Chamsa ressemble fortement à ses consoeurs Constantinoises et Annabiennes. Il s’agit d’une robe droite en satin fortement brodée ou perlée sur le col en V, les manches et le bas. Encore une fois, les motifs reprennent des éléments de la nature, notamment les fleurs ou encore les feuilles de vigne. Elle peut se porter sans ceinture ; toutefois pour la mariée, il est préférable de marquer la teille. On y ajoutera une meskia, quelques colliers et des bracelets sur chaque bras.
La melhfa Chaouie
Robe des Aurès, la melhfa naît lors de la colonisation romaine. Il s’agit d’une robe en deux parties qui peuvent être cousues ensemble de nos jours. La partie interne est souvent brodée de motifs géométrique bas. L’élément du dessous, une tunique appelée Avruh également brodée de motifs géométriques vient recouvrir le buste attaché par des broches de chaque côté. Selon les régions, la robe est portée avec des bijoux en argent ou de bijoux dorés. De nos jours, les broches sont des éléments souvent décoratifs et le bas peut être remplacé par un sarouel ou un pantalon.
La Djebba Fergani
La Djebba Fergani ou Gandoura Katifa est une robe du IIIème millénaire avant J-C, originaire de Constantine. Il s’agit d’une robe de velours épais, brodé de fils d’or sur le buste, les manches et les bras. D’une manufacture exceptionnelle, elle fut portée par les princesses de la région, et c’est pour cela qu’on l’appelle aussi la robe royale.
Le buste est en forme de trapèze et les manches appelées k’mam sont tout en transparence. Elle se porte avec une ceinture marquant la taille, une meskia, des colliers, des bracelets dorés et éventuellement une couronne.
La Gandoura Annabiya
La Gandoura Annabiya ressemble fortement à la Djebba Fergani. Toutefois, elle peut être confectionnée soit en satin, soit en velours contrairement à sa cousine constantinoise. Elle est souvent composée de deux éléments : une robe et une veste toutes deux brodées de fils d’or (Fetla). Le buste est aussi en forme de trapèze et les manches jouent également la transparence. Elle se porte avec une meskia, une ceinture dorée, des bracelets. Elle peut également être accompagnée d’une chéchia comme pour la chedda ou d’une couronne comme pour la Djebba Fergani.