Les souks de Dubaï entre hier et aujourd’hui

Fév 18, 2024 | Actualités

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Vieux souks et caravansérails

Des souks, on peut en trouver aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain à Dubai dans les Emirats Arabes Unis. Ils se distinguent cependant, les uns des autres, par leur superficie, leurs installations, le type de populations qu’ils attirent, ainsi que les produits proposés. Les gens viennent pour s’y approvisionner, mais aussi pour vendre leurs propres produits, selon qu’ils soient artisans ou paysans venant vendre aussi bien des produits agricoles que du bétail.

Généralement les commerces sont organisés par professions (ou corporations). Selon les branches d’activité : alimentation, épices et plantes médicales, habillement, artisanat rural ou citadin et autres services..

Cest connu, et cela se passe même en Europe dans certains  marchés populaires où la tradition est passée à travers les populations immigrées du Maghreb ou du Moyen-Orient. Le « marchandage » est à la fois un mode de fonctionnement quasi incontournable dans le commerce, mais aussi un « jeu » en quelque sorte !

Les souks à l’ancienne

Les souks à l’ancienne à Dubai sont connus pour leurs boutiques (fixes ou itinérantes), mais également pour leurs ateliers et parfois, certaines de leurs habitations. En fait d’habitations, il s’agit surtout de caravansérails, anciens ou nouveaux. Ces derniers sont rares comme on le verra avec le renouveau et la modernisation des souks.

Dubai uae. vue sur l’ancien marché du souk textile de bur dubai dans le quartier de creek. Des magasins colorés avec textiles articles souvenirs et accessoires.

Il s’agit de bâtiments où les caravanes marchandes (ou celles destinées à acheminer les pèlerins) peuvent faire halte, pour une ou plusieurs journées, se désaltérer et se restaurer. Le caravansérail abrite donc les marchands de passage, les pèlerins, leurs marchandises ou leurs biens personnels, leurs montures…

Enfin, pour apporter une note humoristique, rappelons que le mot « souk » qui nous vient du Persan est devenu synonyme de lieu où règne le bruit, le désordre, parfois les disputes… On parle aussi de « bazar » pour signifier la « pagaille » ou le « foutoir » ! Le mot bazar est lui aussi venu du Persan. Aujourd’hui, de grandes enseignes n’hésitent pas à porter ce nom…

Dubai et la diversification économique

L’immobilier et la finance, le commerce de gros et de détail, ainsi que le tourisme de luxe tiennent une place importante dans la diversification économique voulue par les dirigeants. L’augmentation significative du volume du commerce de détail, est la conséquence à la fois de l’augmentation de la population et de l’afflux de plus  en plus important des touristes.

dubai tourisme

A travers les souks à l’ancienne conservés et bien entretenus, conservant une image d’exotisme malgré une modernisation et des transformations rapides, les shopping centers et les malls qui véhiculent une image de luxe et associent shoppings et activités de loisirs, Dubaï réussit à une échelle impressionnante et avec des moyens conséquents, à recréer l’ambiance des souks à l’ancienne, avec à la fois des activités commerciales fructueuses et des animations, une ambiance dignes des grandes foires occidentales.

La promotion des souks : avantages économiques et socio-culturels

Le souk, de part sa nature et sa fonction éminemment social et économique manifeste au plus haut point les principaux critères de l’urbanité : hétérogénéité sociale, concentration et diversification des activités. Il est souvent perçu à la fois comme l’espace public par excellence qui distingue les villes arabes traditionnelles et le lieu privilégié où l’on gère la différence sociale dans ses diverses composantes ethniques, confessionnelles et autres.

Le marché, en tant que « micro-société » urbaine est en quelque sorte une institution à la fois sociale et économique, reflet d’un système et d’une organisation urbaine disparus mais qui continuent à informer de nombreuses pratiques et représentations propres à la région. D’où l’idée d’y revenir avec les moyens de la modernité, d’y puiser ce qui permet un certain essor commercial et un brassage de cultures et des populations permettant à l’Emirat des ressources nouvelles, tout en prouvant sa volonté d’»ouverture » vers le monde et ses capacités d’accueil de visiteurs du monde entier sans distinction d’origine.

L’enjeu, pour les autorités de l’Emirat est de réintégrer les traditions propres aux souks d’antan en leur donnant de nouvelles dimensions spatiales, architecturales, décoratives… Il s’agit de les faire profiter de tous les moyens qu’offre la modernité et les technologies les plus avancées, ; notamment en matière de communication (publicité) et d’approvisionnement avec l’importation massive de produits étrangers, y compris ceux qui sont nouveaux, dans le but de créer de nouveaux besoins.

La métamorphose des souks

Le souk, avec la mosquée, constitue un élément central autour duquel s’organise la ville. Beaucoup de souks ont perdu au fil du temps, leur fonction de fabrication au profit de simples opérations commerciales et leur centralité a donc perdu d’attrait face à l’émergence de nouveaux centres commerciaux sur le modèle des grandes surfaces commerciales occidentales.

La spécificité du souk est qu’il associe des activités artisanales et des activités commerciales. Ils restent des ensembles bien individualisés dans le tissu urbain, formés d’un lacis de venelles abritées du soleil par un plafond à claires voies.

Du fait du tourisme international qui se développe très rapidement et de façon quasi spectaculaire, des activités artisanales traditionnelles, se sont transformées en artisanat d’art. Vers le début des années 80, on pouvait voir encore des femmes venues des oasis vendre des dattes, des limettes séchées ou des aromates dans des paniers fabriqués avec des palmes tressées. On pouvait également voir de vrais pêcheurs de perles proposer d’authentiques perles du Golfe que les marchands spécialisés avaient refusées pour cause d’imperfections souvent infimes.

Au début des années 90, les souks commencent à changer radicalement d’aspect. Les sols non goudronnés, poussiéreux en terre battue, disparaissent sous l’asphalte ou les pavés autobloquants, l’éclairage artificiel inonde les ruelles et les échoppes ouvertes sur les allées laissent place à des magasins climatisés, avec des vitrines surmontées d’enseignes électriques.

Souk moderne au pied de la Burj Khalifa – image https://fr.tripadvisor.ch

Ainsi, les souks anciens n’ont pas été laissés à l’abandon, figés dans un processus de « muséification ». De nouveaux souks sont crées avec des matériaux modernes comme celui de Madinat Jumeirah ; en réalité un centre commercial qui pastiche les souks traditionnels ; de même que le souk Al Bahhar (souk du marin), pavé de marbre, mais qui se présente comme une interprétation contemporaine du marché traditionnel oriental.

Une nouvelle clientèle est attirée par cette nouvelle organisation, les espaces qu’elle propose et la diversité des marchandises venant d’un peu partout. Elle vient d’Afrique subsaharienne, voire d’Algérie ou d’Europe orientale. Cette clientèle vient acheter de grandes quantités de tissus pour les revendre dans les pays d’origine  ou pour servir de matériau afin de confectionner des habits locaux.

A nouveaux souks, nouvelle clientèle

Cette clientèle, faite d’hommes d’affaires rompus aux commerces en tout genre, gros clients par définition, n’est pas tant attiré par l’exotisme supposé couronner et embellir les zones d’échanges commerciaux, mais bien plutôt par l’abondance de l’offre et les prix inférieurs à ceux de leurs pays. Pour les ex-pays dits soviétiques.

Ce n’est pas tant l’exotisme qui les attire dans la région, mais bien plutôt l’abondance de l’offre et les prix inférieurs à ceux de leurs pays. Pour les ressortissants de l’ex-Union Soviétique, Russes ou Ukrainiens, c’est aussi l’occasion d’offrir à leurs familles des vacances au soleil. Un hôtel de luxe à Sharjah par exemple est tout à fait dans leurs moyens. En plus de l’activité lucrative informelle d’import-export.

Pour ce qui est du continent africain En ce qui concerne les Africains, il s’agit aussi d’entrepreneurs qui font des séjours fréquents à Dubaï et entretiennent avec leurs pays un commerce informel qui s’insèrent néanmoins dans des réseaux familiaux ou tribaux à caractère commercial, très bien structurés. Il en est de même,pour les réseaux « clientélistes » qui se sont formés en Algérie sous la dénomination de « Souk Dubaï » !

Souks modernisés et Shopping Centers

Ce qui différencie considérablement les shopping centers des souks c’est que les shoppings sont généralistes. L’innovation est venue d’Amérique, correspondant à une vision bien américaine de l’urbanisme commercial ; conception apparue vers le milieu du XXème siècle, reprise massivement par l’Europe avec des variantes selon les pays et leur culture propre, le tout lié à la généralisation de la voiture individuelle.

Il s’agit de vastes espaces commerciaux, à la manière des hypermarchés que l’on trouve en France ; qui se distinguent par leur gigantisme, regroupant des magasins qui proposent des marchandises de toutes sortes et de toute provenance. Le premier complexe de ce type a ouvert à Dubaï, plus précisément à Deira, en 1981. Début des années 90, les complexes commerciaux de ce types commencent à se multiplier au centre même de Dubaï…

Dans ces shopping centers de proximité, on trouve en général un petit supermarché qui propose des produits alimentaires, de produits ménagers, des produits d’hygiène et de beauté. Il occupe la plus grande partie de la surface et voisine avec quelques modestes boutiques et petits cafés ouvrant sur le hall, face à l’accès au supermarché et fréquenté par les clients du centre commercial.

Dubai shopping Centers

Les acheteurs non motorisés, chargés de leurs courses, font appel à des taxis, dans une ville où rien n’est conçu pour le piéton, alors que la température empêche de circuler à pied durant au moins la moitié de l’année dans cet environnement aride où le désert a été anthropisé, artificialisé, et pour ainsi dire, occulté…

Parallèlement, une seconde catégorie de complexes commerciaux à Dubai se développe.

Il s’agit de vastes espaces commerciaux souvent sur plusieurs niveaux, avec un parking souterrain, et un étage desservi par un escalator. Là aussi, on y trouve un supermarché avec des rayons de produits de première nécessité, des rayons papeteries, vêtements, électro-ménager… Les boutiques locales ont une offre plutôt haut de gamme et voisinent avec des enseignes franchisées étrangères. On trouve même des boulangeries à la française ou de firmes françaises de renom : Chez Paul, La Brioche Dorée, Eric Kayser…Ces centres, peu fréquentés par les touristes internationaux, malgré leurs prix assez modérés, sont soumis à la rude concurrence des gigantesque malls qui conjuguent boutiques et équipements de loisirs.

Certains complexes commerciaux cités plus haut, semblent déjà en plein déclin, avec un air vieillot, à peine vingt ans après leur ouverture ; tandis que d’autres ont réussit à s’adapter, et ont évolué vers le modèle des malls comme le premier shopping center ouvert à Dubaï, Le Ghurair Center.

Le Ghurair Center.

Le Ghurair Center. Dubai

L’architecture aussi évolue pour être en phase

Sans complexes, l’architecture intérieure à l’occidentale faisait figure de modèle dans la décennie 1980. Elle est devenue obsolète et a laissé la place à une esthétique qui fait une large place aux fontaines et jets d’eau ainsi qu’aux jeux d’ombres et de lumière ; bref, retour à certaines « valeurs » esthétiques plus conforme aux représentations arabes.

Le retour aux motifs décoratifs arabes, à l’esthétique orientale d’une manière générale, parallèlement à l’introduction bien calibrée de la dimension récréative illustre amplement la capacité d’adaptation des milieux d’affaire de Dubaï, caractérisés aussi par l’importance des solidarités familiales.

Le bâtiment, encore plus impressionnant accueille désormais un hypermarché Carrefour, 350 boutiques de marques régionales ou d’enseignes mondialisées, des restaurants et un fastfood, des cafés, de la restauration rapide et même des cinémas, un centre de loisirs pour les familles avec attractions et jeux vidéos.. L’événementiel et les animations sont désormais mis à contribution afin d’augmenter l’attractivité de cet espace commercial.

Les malls pour allier commerce et loisirs

Mais au fait, qu’est-ce qu’un mall ?  Des espaces commerciaux récents sont appelés souks, alors qu’ils peuvent être considérés comme des malls. La transformation d’anciens shopping centers en malls, et le flou de la frontière entre le mall et le shopping Center entraîné par l’inflation du vocable mall jugé plus porteur pour désigner des centres commerciaux périphériques rendent incertain le nombre de malls attribués à Dubaï.

D’autres ont été installés sur la route côtière, ou sur la désormais célèbre île artificielle en forme de palmier, comme Atlantis, un complexe très prisés par les touristes et hommes d’affaires chinois. Il associe un hôtel, un mall et un parc aquatique.

Le Dubaï outlet Mall

Le Dubaï outlet Mall, installé sue l’Emirates Road qui relie Ras el Khaïma à Abu Dhabi, lui, s’est spécialisé dans les soldes d’articles de marques avec des réductions de 30 à 90% selon le principe des « magasins d’usine ».

Soldes, gigantisme et attractions pour grands et petits

Le Mall of the Emirates, ouvert en 2005 a su résister au temps, se moderniser et s’agrandir. Il compte 520 magasins, regroupés par affinités, à la manière des vieux souks, répartis sur 223000 m2. Il abrite 48 restaurants, 69 cafés et salons de thé, une dizaine de fast food, des agences bancaires, des salons de coiffure, des instituts de beauté ainsi que des équipements de loisirs : salles de jeux, salles de cinéma…

Mais ce qui le distingue particulièrement, c’est »Ski Dubaï », une piste de ski couverte avec moniteurs et école de ski avec même un espace réservé aux pingouins, (sur le modèle des très controversés delphinarium où l’on peut observer de près ces palmipèdes des mers froides) et jouer avec eux alors que dehors il fait 40° à l’ombre !

Il existe aussi une patinoire permettant aux expatriés canadiens et russes de se mesurer au hockey sur glace. Mais l’attraction majeure de mall est son aquarium, sans oublier de signaler qu’il a le privilège de se situer au pied de la tour la plus élevée du monde, Burj Khalifa. On peut d’ailleurs accéder à cette tour à partir du mall, moyennant finance, évidemment.

Paradoxalement, ce sont plutôt les populations locales et les migrants originaires des pays du sud qui sont sous le charme du dépaysement. Beaucoup plus que les touristes étrangers et particulièrement les occidentaux. C’est la raison pour laquelle les malls ne misent donc pas nécessairement sur l’exotisme, mais sur le luxe pour attirer une clientèle touristique de préférence aisée. Et par ailleurs, compte tenu de la profusion de l’offre, les malls doivent rivaliser, redoubler d’imagination pour faire venir la clientèle.

Lire aussi notre article : https://blog.nabira.fr/souks-a-dubai-entre-tradition-et-avantages-economiques/