La mode dite « islamique » ou « pudique » ou encore « modeste » s’est incontestablement imposée et un peu partout dans le monde. Et pas seulement dans le monde arabo-islamique, mais aussi dans les pays non-musulmans abritant de fortes communautés immigrées de confession musulmane. Et cela , sur tous les continents.
Née sous la pression d’évènements politiques, historiques et religieux, cette mode est essentiellement le résultat du triomphe d’une certaine façon d’interpréter l’Islam, les comportements des musulmans et des musulmanes, leur mode de vie au quotidien , et donc leur façon de s’habiller, de présenter leur corps en société. Notamment lors des grands évènements religieux tels que le mois sacré de Ramadhan, les fêtes de l’Aïd, le pèlerinage à la Mecque , les mariages, circoncisions, etc…
Quelles sont les spécificités de la mode islamique ?
Sur le plan de l’habillement, et notamment concernant les femmes, bien qu’il n’y ait pas à proprement parler un voile canonique clairement défini par le Coran.
Le concept de ‘awra est unanimement admis.
Il s’agit de la définition des parties du corps -chez la femme comme chez l’homme- qui doivent être cachées, par pudeur, par respect de Dieu, de soi-même et des autres. Pour les hommes, la « awra » va du haut du nombril jusqu’aux bas des genoux ». Cependant, le corps de la femme est considéré tout entier comme ‘awra , de la tête jusqu’aux pieds. Et c’est là que les divergences entres juristes musulmans vont apparaître, ce qui animera les fameux débats sur le voile, encore en cours de nos jours…
Faut-il couvrir les cheveux ? Le visage ? Les yeux en n’en laissant qu’un seul paraître, juste pour se guider ? Faut-il que l’habit couvre les cheville ? Plus d’autres questions qui portent sur les couleurs, les motifs licites ou illicites, les accessoires etc… Ce qui est justement le sujet de cet article.
Quand l’Occident s’empare de la mode islamique
Dans plusieurs articles sur notre blog, nous mettions en avant l’impact de la mode musulmane et les tendances créateurs , nous écrivions :
« Les marques internationales s’intéressent de plus en plus à la mode Modest »
En effet, depuis plusieurs années, La Modest fashion gagne de plus en plus en popularité dans le monde. Notamment en Amérique, en Angleterre et en Asie, les grandes maisons de mode et les stylistes organisent régulièrement des événements dédiés à la Modest fashion comme le célèbre #ModestFashionWeek. Pour les spécialistes observateurs des courants de mode dans le monde, cette population constitue une nouvelle cible pour des marques de luxe occidentales qui stagnent de plus en plus et sont à la recherche de nouveau produits et circuits et publics pour relancer leur croissance.
Cet engouement et cette expansion de la Modest Fashion des marques de mode classique et le concept de la mode inclusive est dû à la forte demande de leurs clientes pour des vêtements Modest. Face à ce marché de plus en plus porteur, les marques ont compris qu’il était important de se positionner pour répondre aux attentes des clientes qui recherchent des vêtements couvrants mais tout en étant modernes. » Globalement, on peut dire que les grandes marques occidentales se sont engouffrées dans le créneau, tout en s’engageant à respecter les normes islamiques.
Rodées au buziness du prêt-à-porter et des modes en tous genres et de toutes provenances, les stylistes et créateurs savent qu’en culture musulmane, il n’est pas seulement question de veiller aux allures et aux formes du corps, mais que les couleurs, les matériaux (teintures, tissus etc…) doivent respecter certains règles. Il y va surtout des motifs, du fait d’un phénomène typique propre à la religion musulmane : la représentation iconographique, avec au centre la reproduction artistique de formes humaines et même celle des animaux qui prête à controverses.
Pour cela, les concepteurs de modèles, qu’ils soient de culture arabe ou occidentale, se font un devoir de revenir aux « fondamentaux « de l’art arabo-musulman, tel qu’il a évolué, une fois délimité par les théologiens en ce qui concerne le licite et l’illicite, (Halâl et Harâm).
Une autre source de décoration s’est imposée naturellement, sur le bas de la graphie arabe, si élégante et qui a donné naturellement naissance à un art calligraphique unanimement salué par les autres cultures pour ses hautes qualités esthétiques, son raffinement et sa capacité à libérer totalement l’imagination des créateurs. Les spécialistes de la mode vestimentaires vont porter particulièrement attention à ces formes décoratives, en choisissant celles qui conviennent mieux aux différents habillement proposés, eux-mêmes inspirés par les costumes locaux selon les pays et les régions.
Les principaux motifs ornementaux dans les arts de l’Islam
L’expression arts de l’Islam ou art islamique désigne la production artistique qui s’est développée depuis l’Hégire (622 de l’ère chrétienne), et ce, jusqu’au XIX ème siècle dans un territoire qui s’étendait de la péninsule ibérique jusqu’à l’Inde, habité majoritairement par des populations de confession musulmane.
L’art produit dans cet univers si diverse, si pluriel présente néanmoins une certaine unité stylistique, due à la relative grande mobilité des artistes, des commerçants, des commanditaires et des œuvres elles-mêmes.
En architecture, des bâtiments aux fonctions spécifiques comme les mosquées ou les madrassa (s) (écoles) sont crées dans des formes très variées mais suivant souvent un même schéma de base. S’il n’existe pratiquement pas d’art de la sculpture, le travail des objets de métal, d’ivoire ou de céramique a atteint souvent des sommets de perfection technique et d’esthétique. Il faut aussi souligner la forte présence d’une peinture et d’une enluminure dans les livres sacrés et profanes.
Les arts de l’Islam ne sont pas exclusivement religieux.
L’Islam est considéré ici comme une civilisation plutôt que comme une religion. Contrairement à beaucoup de stéréotypes, longtemps après les premières conquêtes de l’Islam et l’installation du premier empire, celui des Omeyyades, des représentations humaines et animales ont existé, même dans des lieux publics comme les hammams et les palais, les cafés de Damas puis de Baghdad. L’interdit n’est venu que bien tardivement, par peur du retour à une idolâtrie envers les icones.
Calligraphie arabe : un art à part entière
La calligraphie a la part belle dans les arts décoratifs musulmans. Outre la beauté naturelle de la graphie arabe, sa stylisation en calligraphie selon différents modèles et selon de nombreuses écoles spécialisées, le fait d’avoir été choisie par les différents califes et monarques comme moyen de décoration privilégié a donné des ailes aux créateurs, débridé les imaginations…
On la retrouve, bien sûr dans les palais, les lieux publics (bibliothèques, hammams, cafés …) et ce, depuis le Moyen-Âge arabo-musulman. Le succès de la calligraphie arabe est aussi dû au fait qu’elle est « organiquement » lié au sacré. Ecrire, c’est donner une forme à la parole de Dieu. L’écriture arabe a de la sorte une double fonction : ornementale et iconographique. Elle est l’équivalent des images sacrées de l’art chrétien, le moyen par lequel le message divin est transmis. Le contenu de ces inscriptions, stylisées à en devenir illisibles est varié : versets du Coran, messages pieux, textes ou vers poétiques, vœux pour le commanditaire de l’œuvre calligraphiée, etc…
Il existe deux types de styles calligraphiques : le Naskhi , écriture cursive, et le Koufi (ou coufique). L’écriture Naskhi est donc cursive avec une grande flexibilité et fluidité. C’est le script ordinaire. Le Koufi est majuscule, large et de forme angulaire. Des variantes sont créées à partir de ces types de base, qui diffèrent selon la zone géographique et l’histoire particulière de la dite zone.
Motifs : origines, techniques et terminologie usuelle
Les arts d’Islam ont développé un grand répertoire original de motifs ornementaux et décoratifs. On y distingue deux grands types : les motifs géométriques et les arabesques végétales.
- Les motifs dits géométriques: La géométrie a joué un rôle primordial dans le développement de la civilisation arabo-musulmane. La forme parfaite est le cercle. Il est utilisé comme modèle de base pour créer d’autres motifs. Le design est simple, les principes de répétition symétriques, de multiplication ou de subdivision sont appliquées rigoureusement. On utilise des branches entrecroisées pour former des losanges, des rubans tressés, , des méandres, des zigzags, des motifs en damiers et des arcs en étoiles. Le Muqarnas ou Mucarna est la décoration à base de prismes, juxtaposés et dirigés vers le bas, , qui se terminent par un rétrécissement appelé justement prisme, et dont la surface inférieure est concave. C’est en fait un art plus intellectuel qu’émotionnel.
- Les motifs décoratifs sont obtenus par la répétition d’éléments simples, entrelacés ou superposées. Associé à un goût pour la symétrie, on obtient un effet dynamique et harmonieux. Le détail ne prime jamais sur l’ensemble. Il n’y a pas de tension entre les motifs. Seulement un équilibre. La réitération à l’infini des thèmes est une métaphore de l’Éternité qui remplit tout et une façon de saisir, de percevoir la mutabilité de l’univers…
- Les motifs figuratifs : Il est communément admis qu’en Islam, tardivement, les Oulémas (théologiens musulmans) ont introduit l’interdiction de représenter des figures humaines ou animales. Aujourd’hui, on revient -timidement- sur cet interdit, et de nombreuses écoles de dessin et de peintures sont créés partout dans le monde arabo-musulman. Des arts comme la miniature (persane) retrouvent leur place non seulement dans des tableaux dans les galeries, mais aussi sur des pièces de tissus décoratifs à usage interne. Par ailleurs, de plus en plus de parents acceptent que leurs enfants portent des vêtements représentant des personnages ou des animaux, mais toujours dans les limites du « pudiques », les personnages représentés n’ayant eux-mêmes rien d’indécent ou d’impudique.
Les arabesques végétales
La stylisation signifiant la dénaturalisation » de la nature, Il faut savoir que L’art islamique, contrairement à l’art occidental, n’imitait pas la nature. Les musulmans estimaient que la reproduction à l’identique de la nature était un acte d’impiété, les mettant en porte-à-faux avec Dieu, le Véritable Créateur. Les origines de cette démarche artistique proviennent des Grecs, des romains, et des peuples des steppes d’Asie centrale. Cependant, les musulmans y ont apporté leur propre génie et crée une nouvelle façon de travailler le répertoire ornemental hérité.
Les arabesques se retrouvent sur tous les types de supports : depuis l’architecture jusqu’à l’art du livre en passant par la céramique, le métal…Selon les époques et les endroits, des différences apparaissent, notamment en ce qui concerne les formes des feuilles, de fleurs et de tiges.
Outre le lierre, les feuilles et fruits de la palmer, la grenade et l’ananas donnent des inspirations pour les motifs ; tout comme le pistil des fleurs. En général, les artistes cherchent à styliser les motifs végétaux, c’est-à-dire à ramener la représentation à un motif stylistique simplifié qui contient l’essence du modèle. Le motif, ainsi retravaillé peut se retrouver décliné à l’infini sur divers supports dont le tissu et cela, de plus en plus , vu la demande en mode vestimentaire.
L’adaptation des motifs décoratifs sur les vêtements et accessoires
Les motifs géométriques
La géométrie est très importante dans l’Islam. Il représente l’indivisibilité de Dieu. La forme parfaite est le cercle. Il est utilisé comme modèle pour créer d’autres motifs. Le design est simple, les principes de répétition symétrique, de multiplication ou de subdivision sont appliqués.
C’est un art intellectuel plutôt qu’émotionnel, avec une base mathématique.
On utilise des branches entrecroisées pour former des losanges, des rubans tressés, des méandres, des zigzags, des motifs en damier et des arcs en étoile. Le muqarnas ou mucarna est la décoration de prismes, juxtaposés et dirigés vers le bas, qui se terminent par un rétrécissement appelé prisme, dont la surface inférieure est concave.
Une forte inspiration dans la mode
Les figures ou motifs géométriques constituent un motif ornemental récurrent de l’art autrefois dit « mauresque » ; particulièrement dans la décoration des intérieurs et extérieurs des maisons de style mauresque. Les stylistes et les spécialistes de la modes s’en inspirent abondamment, en adaptant, souvent en simplifiant le motif géométrique choisi afin de mieux l’adapter au vêtement envisagé.
La décoration géométrique est basée sur les formes construites avec des lignes. Dans sa technique et les formes on reconnait
- Des Dessins géométriques de polygones réguliers
- .Dessins centrés en étoiles. Il faut savoir que les décorateurs plaquaient les stucks décorés sur des panneaux en les enduisant de jaune d’œuf !
- Dessins centrés en étoiles en étoiles à huit ou seize branches, octogone et étoile à huit branches
Les arabesques végétales
L’arabesque végétale se marie très bien avec tous les tissus pratiquement ; elle est prisée et considérée comme motif de décoration à la fois élégant, sobre et « pudique ». On la retrouve aussi bien sur certains habillements qui l’adoptent même si ce n’est pas dans les traditions locales, que sur les tapis, les rideaux pour les fenêtres, panneaux muraux et wall art, les couvertures de lits et même sur des sacs à mains !
Globalement, les motifs de base sont les palmettes, les feuilles d’acanthe, les feuilles de vigne, les volutes… D’abord, en Andalousie musulmane par exemple, sous la dynastie des Almohades, la décoration était dominée par l’usage des feuilles simples. Plus tard, sous les Almoravides, on a incorporé des feuilles avec des digitations. Au cours des décennies suivantes, les formules ont peu varié : palmiers à une feuille, avec ou sans calice, palmiers à deux feuilles, symétriques ou asymétriques, avec ou sans volutes et le fameux pimiento, avec ou sans calice.
Puis, sous l’influence de la culture sassanide (Perse), les motifs végétaux sont devenus stylisés et méconnaissables. Ce type de décoration est connu sous le nom d’ataurique. Il s’agit d’un décor végétal inspiré de l’acanthe classique, stylisée et largement utilisée dans l’art califal de Cordoue.
Enfin, précisons que l’arabesque est l’ornementation entrelacée de motifs géométriques. Il s’agit donc d’un concept plus large, désignant tous les types de décorations musulmanes qui masquent la structure, tandis que l’ataurique ne concerne que les décorations végétales stylisées.
Teintures, couleurs, dessins et motifs
Qui dit vêtements, dit tissus. Qui dit tissu dit teinture. Le mélange magique de calligraphie et de couleurs naît soit de la juxtaposition des teintes vives ou, au contraire, de la recherche d’effets subtils en mariant des tons harmonieux, lumineux ou sourds, mais profonds, d’une intensité toujours égale.
cela concerne l’ensemble des arts appliqués. La céramique de forme et de revêtement, le verre, la miniature, bien sûr et surtout les tissus.
Pour la préparation des pigments que le peintre emploie dans ses miniatures à l’éclat incomparable, l’artisan a recours à des minéraux et à des oxydes métalliques… Le teinturier, lui, utilise d’autres substances , tels que les plantes, les insectes tinctoriaux, , les coquillages…Le tout rentre dans la confection de bains dans lesquels sont plongés les écheveaux de laine, de coton et de soie, préparés à l’alun. Ce sel facilite le « mordançage », c’est à dire l’imprégnation de la couleur dans la fibre.
Les bains, en fonction de leur composition et des teintes recherchées sont chauffés ou pas et leur élaboration est longue , car il s’agit de parvenir à des fermentations qui garantissent les fortes colorations désirées. Des plongées successives suivies e séchage aboutissent au ton souhaité. Le quartier des teinturiers des villes arabes, comme à Marrakech au Maroc est un enchantement pour les yeux, avec ses cuves et les écheveaux suspendus aux colorations déclinées à l’infini.
Ce savoir-faire exige du temps que l’industrialisation moderne a tenté de réduire pour des raisons de coûts ; et ce, par le recours à la chimie de synthèse qui donne des couleurs plates et uniformes. Ainsi, des nuances se perdent. Ces nuances sont appelées abrach et trahissent les aléas de la teinture naturelle et lui confèrent son charme.