Nous nous attacherons exclusivement à ce qui nous intéresse dans ce blog : les vêtements traditionnels au Liban, son évolution, l’influence de l’habillement à l’occidental après l’instauration du protectorat sur le Liban, puis les tendance actuelle avec la mode, « industrie » devenue mondiale, rentable et qui traverse les frontières sans encombre, permettant à chaque pays de s’inspirer afin de revisiter son propre patrimoine vestimentaire selon les tendance en cours.
Liban : pièces vestimentaires en usages jusqu’aux années 70
Vêtements traditionnels chez les hommes libanais
On distingue très tôt dès l’introduction des vêtements et pièces occidentale, la disparition des signes distinctifs entre communautés religieuses. Le Tarbouche Azizi, déjà déclinant depuis la fin du protectorat, a connu après l’indépendance une régression rapide malgré ses nombreux défenseurs qui ont essayé par tous les moyens de préserver son utilisation. A le fin, le Tarbouche n’étaient plus porté que par des personnes âgées attachées à leurs habitudes ainsi que par les religieux musulmans qui enroulaient autour leur turban blanc.. Il a survécu aussi à une pratique chez les musulmans qui mettent au- dessus du cercueil un tarbouche pour signifier que la personne décédée est un homme
La bernayta (chapeau en feutre) très en vogue avant, a elle aussi connu une certaine régression. Elle constituait un signe d’approbation politique et culturelle du système mandataire (protectorat). Mais après le départ des Français, elle a perdu ce rôle. Elle est toujours portée quelques fois en hiver, contre le froid, surtout à Tripoli par les chrétiens. Ces derniers portaient aussi le kalpack, le béret basque.
Après l’important recul de ces deux coiffures, il ne restait pratiquement plus de signes vestimentaires permettant de distinguer l’appartenance religieuse.
L’indépendance a vu apparaître, d’une manière marginale, l’utilisation de l’Arkiah comme signe de piété chez les musulmans âgés de la classe populaire.
Après l’indépendance, le degré d’occidentalisation des citoyens libanais devenait signe d’appartenance sociale.
L’influence de la politique étatique, après l’indépendance visant à encourager l’occidentalisation (image de marque que le nouvel Etat tenait à montrer) a fortement accéléré l’adoption de vêtements occidentaux, surtout chez les hommes de toutes les catégories sociales sans toutefois entièrement gommer les signes distinctifs, notamment à travers les tissus et la finesse de la fabrication.
Que deviennent les vêtements traditionnels ?
Les vêtements traditionnels ou dits « arabes » on commencé à s’éclipser dès la fin du mandat jusqu’à disparaître définitivement, même chez les personnes âgées au sein des classes riches et moyennes. Seule la ‘abaya en poils de chameau a pu conserver son rôle de signe de richesse et de prestige.
Les riches Tripolitains ainsi que les habitants de Beyrouth (chrétiens et musulmans, jeunes et âgés), n’hésitent pas à la porter encore aujourd’hui, mais seulement à l’intérieur des maisons, lors de la réception de visiteurs.Dans les classes populaires, les vêtement traditionnels ont aussi disparu, sauf chez certaines personnes âgées. Seul le kombaz est resté, pièce que les jeunes se permettent encore de porter en été, pendant les soirées, dans les cafés ou lors de visites chez des amis.
L’utilisation de ce signe va se développer en particulier après 1975 dans tous les mouvements politiques et/ou culturels musulmans et leurs sympathisants.
Habits traditionnels chez les femmes libanaises
La Chalhah utilisées par les musulmanes et par certaines chrétiennes sous le mandat, a été abandonnée après l’indépendance au profit d’habits occidentaux lors des sorties hors de la maison. Seules certaines musulmanes âgées ont continué à la porter. Si la Chalha n’a pas été remplacée chez les chrétiennes, un grand nombre de musulmanes lui ont cependant substitué, jusque vers la fin des années 50 un voile en crêpe Georgette noir avec lequel elles se couvraient la tête et le visage.
Le turban a été remplacé par l’icharb
L’usage du turban par certaines musulmanes riches a lui aussi été abandonné au profit, le plus souvent d’une coiffure connue sous le nom d’écharpe, arabisé : icharb. Son utilisation s’est généralisée à la fin des années cinquante chez la plupart des musulmanes, lors de la disparition du voile du visage.
Cette écharpe a la forme d’un carré replié en triangle. On la noue en dessous du menton.
Elle est soit en crêpe Georgette noir (le même que celui du voile de visage ) soit en coton ou en soie colorée.
Le chapeau utilisé surtout par les chrétiennes, a, lui aussi disparu, sans être remplacé.
La chéchia fait son apparition à Beyrouth et Tripoli
L’arrivée de populations rurales dans les grandes villes, notamment Beyrouth et Tripoli, a fait que la chéchia, jusque là portée uniquement à l’intérieur, a fait son apparition dans les rues. Généralement blanche, la chéchia a la forme d’un carré que l’on plie en triangle et que l’on noue soit au sommet de la tête, soit sur la nuque. Enfin, mentionnons que toutes ces coiffes et coiffures étaient portées par les femmes qui étaient encore habituées, sous le mandat, à se voiler la tête.
Les femmes rurales de la région de Tripoli , hormis celles issues de grandes familles féodales, n’ont jamais utilisé le voile de visage.
Il faut signaler que sous le mandat, l’abandon du voile de visage était plus avancé chez les chrétiennes que chez les musulmanes, dont seule une minorité de riches avaient pu l’enlever, à la fin de cette époque. Après l’indépendance, les jeunes filles des deux communautés n’ont pas connu l’utilisation du voile. Pour les femmes musulmanes habituées à le porter, l’abandonner était plus compliqué.Bien qu’il soit devenu plus mince et donc plus transparent sous l’influence de l’intrusion des vêtements occidentaux, son emploi s’est maintenu jusque vers la fin des années cinquante, c’est-à-dire jusqu’au moment où a éclaté la guerre civile.
Après l’indépendance, un grand nombre de musulmanes ont adopté le manteau noir à l’extérieur et ont commencé, tout comme leurs concitoyennes chrétiennes avant elles, à varier l’éventail des vêtements d’inspiration coloniale portés à l’extérieur.
Les immigrantes rurales ont, elles aussi apporté leurs propres formes vestimentaires, qui sont devenus leurs signes distinctifs au sein de la classe populaire. Ces vêtements comprennent une chéchieh et une robe longue à manches, fermée sur le devant à l’aide d’une série de boutons et froncée au niveau de la taille. Un volant, atteignant la mi-jambe la garnit parfois. Sous cette robe apparaissent les petits volants de leur long caleçon.
L’adoption des vêtements occidentaux à l’extérieur a favorisé l’utilisation du sac à main. Cet accessoire apparut sous le mandat avec le port du manteau noir, a peu à peu remplacé le sac en tissus que les libanaises fixaient à la taille ou qu’elle mettaient dans leur soutien-gorge.
Scolarisation massive, ouverture et vêtements occidentaux
Avec la scolarisation massive, et le désir du nouvel Etat de faire preuve de modernisme, les jeunes filles, de toutes confessions pouvaient aller à l’extérieur avec des robes, jupes, des blouses « frivoles » de couleur voyantes (rouge, bleu…), interdite aux femmes âgées ou mariées…
La jeune mariée, quant à elle, a gardé sur les autres femmes de sa classe sociale, le privilège de garder la garde-robe la plus riche, composée des vêtements les plus coquets et les plus frivoles. Elle n’avait toutefois pas le droit de les porter à l’extérieur, et à l’intérieur occasionnellement, surtout pour son mari. A l’intérieur, la femme mariée continuait à s’habiller de manière sobre, évitant les couleurs voyantes.
Les musulmanes âgées sont les seules à ne pas avoir connu de véritables modifications dans leur apparence vestimentaire. Beaucoup d’entre elles continuent à porter le manteau noir et l’écharpe ou la chalhah. Certaines même la chalhah et la habrah..
Jusqu’à la fin de l’époque mandataire, on mettait volontiers des robes aux garçons, mais jamais le contraire. Jusqu’au début des années 60, le pantalon commence par être porté par les deux sexes. Les filles atteignant l’âge de 6 ou 7 ans doivent toutefois le dissimuler sous une robe ou une jupe.
Le prêt-à-porter et l’irruption de la mode
Le prêt-à-porter ou al-malâbis al-jâhiza était considéré au début comme un produit de luxe. Seuls les riches avaient les moyens de se l’offrir. Il était de la sorte un signe distinctif de classe sociale.
Ces produits nouveaux dans la gamme des vêtements portés au Liban ont permis d’élargir l’influence occidentale dans le domaine vestimentaire, véhiculée avant surtout par les magazines de mode. Puis, au cours des années 70, le prêt-à-porter s’est démocratisé de deux manières :
- Par la commercialisation à Beyrouth et Tripoli du prêt-à-porter européen à des prix souvent abordables par les classes moyennes.
- Au travers de la production à meilleur marché du prêt-à-porter par les fabriques libanaises. Cette production locale a élargi non seulement la production de ce genre de vêtements, mais elle a aidé la diffusion de la mode en tant que nouveau système de renouvellement en matière d’habillement.
A partir les années 70, on assiste au « fait accompli » : la mode est intégrée comme phénomène normal, avec toutefois des concessions (souvent mineures) aux deux principales religions du pays, le christianisme et l’Islam, aussi bien des créateurs que des usagers.
De nouveaux éléments vestimentaires vont venir enrichir le patrimoine déjà existant. Par exemple l’adoption (surtout par les jeunes) de la Kéfieh, coiffe noire et blanche ou rouge et blanche en symbole de résistance et de solidarité avec la cause palestinienne. A laquelle on rajoute la tenue kaki tachée de vert qui rappelle la tenue de combat.
Toujours dans les années 70, on voit apparaître un autre genre de tenue, reflétant la montée sociale de certains mouvements politico-religieux dits « islamistes » Ce vêtement connu sous le nom de libâs char’î (vêtement légal, conforme à la loi islamique) est composé d’un grand foulard nommé hijâb. Celui-ci couvre entièrement les cheveux, et le cou et ne dégage que le visage. La deuxième partie de ce costume est un manteau à longues manches. Descendant jusqu’aux chevilles, il est généralement assez ample et de couleur terne : noir, blanc cassé, brun, gris… On le connait sous le nom de Jobben.
Les musulmanes pratiquantes ont continué à se voiler la tête avec une simple écharpe, et à porter le manteau ample en suivant plus ou moins les exigences de la loi islamique.
La mode libanaise contemporaine
Le pays du Cèdre, malgré tous les malheurs qui se sont abattus sur lui (guerre civile, occupation syrienne et récemment explosion ravageuse au port de Beyrouth) a gardé une grande vivacité, preuve de résilience et n’a pas cédé à la fatalité, continuant à connaître une réelle effervescence dans tous les domaines, y compris la culture sous toutes ses formes y compris donc l’industrie vestimentaire et son corollaire, la mode.
Le Liban est un vivier de brillants designers qui arrivent à imposer sur la scène internationale une mode avec une vision forte, énergique, et multiculturelle.
Karen Chekerdjian
Créatrice de bijoux sculpturaux et designer, Karen Chekerdjian est très liée à Beyrouth, mais elle dit qu’elle n’est pas attachée à son côté oriental (ses arabesques, ses motifs floraux ). Quand on voit ses créations, en effet c’est plus dans la démarche que dans la finalité esthétique. Ses origines arméniennes n’apparaissent que dans la dinanderie (travail du métal). Elle a un style dépouillé et pur qui se démarque à celui courant dans le monde arabe.
Pour elle, le Liban est resté très créatif, du fait de ses frustrations passées et incessantes dues à la guerre. Cela pousse à trouver du sens aux choses. Il est vrai qu’outre le phénomène de la guerre, Beyrouth a toujours été une ville refuge, un melting-pot humain générateur d’idées et d’échanges intéressants pour la création.
Pour Karen Chekerdjian, le fait qu’à Beyrouth, il y a beaucoup de choses interdites sur le plan de la religion, de la sexualité et de la féminité, pousse à devenir expert dans l’art de détourner.
Les autres créateurs sont comme Karen Chekerdjian, relativement entravés par la religion et certaines traditions, et en même temps désireux de créer du nouveau, d’adapter les tenues vestimentaires et les ornements selon l’évolution des choses dans le domaine de la mode.
Mira Mikati
Elle est la fondatrice du label portant son nom. Mira Mikati a quitté son pays le Liban à l’âge de 6 ans. Elle aime beaucoup les couleurs. Très marquée par le fait d’avoir dû quitter son pays, elle ressent une envie permanente de fuir la réalité de la vie et de transmettre des messages positifs. Pour ses dernières créations, elle a trouvé l’inspiration au cours d’un road trip en Californie (de San Francisco à Santa Fe) , d’où des petits cactus partout.
Pour elle, si les libanais sont si créatifs, c’est parce qu’ils ont grandit avec la guerre et qu’ils ont toujours voulu fuir cette réalité en se créant un monde à part, imaginaire et fantastique.
Sarah Beydoun
Sarah Beydoun travaille avec sa sœur Malak. Elle est la fondatrice de la marque de sacs Sarah’s Bag Tout pour elles est source d’inspiration : la culture pop, les voyages, les graffitis dans les rues de Beyrouth, la nature…
Mais évidemment, la culture et les arts libanais et moyen-orientaux sont primordiaux… La marque a lance une série de sacs qui mettent en avant la poésie et les chansons arabes, la street-food libanaise, des stars du cinéma égyptien, et même la marqueterie de bois.
Elle pense que le Liban est particulièrement créatif pour plusieurs raisons : l’héritage artistique et artisanal d’une part. D’autre part, l’existence d’une diaspora ultra-cultivée et élevée à cheval sur plusieurs cultures. Enfin, la guerre a laissé des traces qui pousse à la créativité et le Liban dispose quand même d’une plus grande liberté par rapport à d’autres pays arabes.
Vêtements et modes : particularités Kurde
Les Kurdes constituent une communauté à part, partagée entre plusieurs pays : Liban, Syrie, Turquie, Irak, Iran… Ils parlent une langue différente de l’Arabe et possèdent une culture propre. Les estimations du nombre de Kurdes au Liban avant 1985 étaient d’environ 60 000. Aujourd’hui, il y a des dizaines de milliers de Kurdes au Liban, principalement à Beyrouth.
Dans le mouvement disons de « renaissance du Liban » et question vêtements et mode, la minorité Kurde ne veut pas être en reste. Des stylistes, des couturiers, des designer d’origine kurde, du Liban mais aussi de Syrie sortent de l’ombre pour faire connaître leur manière de se vêtir et participer au mouvement général de modernisation de l’habillement en se basant sur les costumes traditionnels puis en les modernisant selon les tendances et les goûts du moment.
La tenue traditionnelle de la mariée Kurde
Il s’agit d’une tenue traditionnelle : une robe rouge accompagnée d’un collier en or et d’un voile rouge diaphane.
Pour les femmes, la tenue traditionnelle kurde est principalement composée d’une robe aux longues manches pointue sur les extrémités. La tunique est parfois portée au-dessus d’un pantalon ample et mise en valeur par un manteau brodé.
A cette palette de tissus et couleurs, s’ajoutent bracelets, colliers, piercings, ceintures dorées et argentées, mais également fards et rouge à lèvres assortis à la robe.
Les vêtements des hommes, plus simples se composent d’un pantalon large resserré aux chevilles et maintenu par une large large ceinture en tissu coloré. Ils sont également reconnaissables à leur écharpe enroulée sur la tête.
Les vêtements kurdes, très prisés aujourd’hui
Par le passé, il était rare de voir des vêtements kurdes dans les vitrines des magasins. Tailleurs et couturiers travaillaient chez eux, discrètement. Aujourd’hui, ils ont pignon sur rue, et font face à une demande croissante, surtout à l’approche des festivités liées au Nouvel An kurde, « Norouz », le 21 mars ainsi qu’aux mariages.
Il va sans dire, qu’en France, l’habillement kurde devient prisé et de plus en plus recherché.